Entretien réalisé le lundi 6 juin dans la soirée, en roumain et par téléphone.
Les Roumains aiment toujours plus les destinations de vacances exotiques, soutient Cristian Pitulice, consultant en tourisme. Même si pendant encore longtemps, la Grèce, la Bulgarie et la Turquie resteront leurs lieux de repos estival préférés…
Comment la guerre en Ukraine a-t-elle touché le secteur touristique en Roumanie ?
On ne peut pas dire qu’elle ait affecté le marché de manière significative. Certains effets ont été observés, mais seulement au début du conflit, entre la fin de l’hiver et le début du printemps. À cette époque, nous avons observé une vague d’annulations, en particulier pour les régions de Bucovine et du Maramureș. Puis les réservations sont redevenues solides, que ce soit dans le delta du Danube, le Maramureș ou la Bucovine. La situation actuelle n’est pas comparable à ce que nous avons vécu pendant la pandémie. Même si pour Pâques, dans le Maramureș, le taux d’occupation des pensions fut bien inférieur aux prévisions, soit seulement 50 %. Les festivités étaient trop proches du déclenchement des hostilités. Ceci étant, il y a là un paradoxe ; le delta du Danube, désormais très recherché par les touristes, est beaucoup plus proche du conflit. Pensez que l’Île aux serpents, désormais occupée par les Russes, n’est qu’à 40-45 km de Sulina.
Mise à part la Grèce, quelles destinations les Roumains apprécient-ils de plus en plus ?
Trois destinations classiques continuent effectivement de se détacher : la Grèce, la Bulgarie et la Turquie. Et tant que le réchauffement climatique ne produira pas d’effets dramatiques, les Roumains préféreront ces pays, cela n’est pas près de changer. Ce sont des destinations balnéaires et estivales, favorites des Roumains en raison du dépaysement qu’elles offrent, et du fait que le rapport qualité-prix est meilleur que tout ce que le bord de mer roumain propose. Début juin, les réservations pour ces trois destinations étaient déjà à peu près au même niveau qu’en 2019. Néanmoins, la pandémie a changé nos habitudes de voyage. Nous avons appris en très peu de temps à mieux gérer l’argent investi dans les vacances. Ainsi, à partir de 2021, beaucoup plus de touristes roumains ont commencé à se rendre vers des destinations exotiques, comme les Maldives, l’Égypte, qui a tout simplement explosé, ou encore l’Amérique du sud, pour laquelle nous avons une très forte croissance. Selon moi, cette tendance va se poursuivre. Pensez qu’avec un budget de 1700 euros, vous pouvez aller à Zanzibar en automne ou en hiver ; un séjour en haute saison sur la côte roumaine coûte à peu près pareil.
Y a-t-il plus de Roumains qui peuvent aujourd’hui se permettre de partir en vacances ?
Les Roumains occupent la dernière place en Europe en ce qui concerne la disponibilité pour partir en vacances. Seuls 25% d’entre eux partent réellement en vacances chaque année. Mais ce pourcentage ne cesse d’augmenter, et ici deux facteurs entrent en jeu. D’une part, comme je l’ai mentionné, il y a ce que les Roumains ont appris pendant la pandémie ; d’autre part, il y a les chèques vacances de 1450 lei accordés par l’État. Pour de nombreux fonctionnaires, c’est une prime substantielle, une part importante de leur budget vacances. Mais de cette façon, au lieu d’encourager la concurrence et l’investissement dans le tourisme, nous stimulons surtout une hausse des prix artificielle.
Propos recueillis par Carmen Constantin.