Entretien réalisé le vendredi 7 juin en fin de matinée, par téléphone et en roumain.
Consultant en tourisme, Cristi Pitulice analyse l’offre touristique du littoral roumain, entre bétonnage à Mamaia et plages sauvages à Corbu et Vadu…
Comment décririez-vous l’offre touristique de Mamaia et ses alentours ?
Cette zone est devenue très problématique d’un point de vue touristique car elle pâtit d’une explosion de l’hébergement au noir, ces complexes résidentiels qui échappent à tout contrôle. Mamaia se développe, certes, mais uniquement dans le domaine de l’immobilier, ce qui chasse les touristes au lieu de les attirer. L’endroit abrite énormément d’appartements et rien d’autre, comme si les vacanciers se contentaient d’aller à la plage et de passer le reste du temps entre quatre murs. Alors qu’il aurait besoin de piscines, d’animations, d’événements, ce que les propriétaires ne peuvent pas offrir. Les touristes y vont peut-être une fois mais n’y reviennent plus. Un autre problème est l’extension de la plage qui a commencé à engendrer le phénomène de « cliffing »… Au contact de la mer, la plage s’effondre, générant des différences de niveau d’un mètre, voire plus. Finie cette pente douce vers l’eau qui rendait la plage sûre, notamment pour les enfants. Aujourd’hui, la baignade y est devenue carrément dangereuse. Autre point faible, la grande densité des bâtiments s’accompagne d’un trafic routier plus intense, doublé d’un nombre insuffisant de parkings. Enfin, on observe des constructions illégales en béton érigées sur la plage même, ou des piscines creusées en l’absence de toute autorisation. Tout cela fait que Mamaia ne représente plus une destination viable. En revanche, le sud du littoral commence à bien se développer. Je pense en particulier à Techirghiol, seule station ayant la capacité d’attirer des touristes 365 jour par an car elle dispose d’un sanatorium bien équipé autour duquel ont fleuri des maisons d’hôtes très correctes.
Quid des plages de Vadu et de Corbu, au sud du delta du Danube ?
Vadu et Corbu ont la chance, d’une part, d’être situées à proximité du polygone et de la base militaire de Babadag, et de l’autre de faire partie d’une réserve naturelle, ce qui tient à distance les promoteurs immobiliers peu scrupuleux. Jusqu’à présent, ces deux facteurs les ont sauvées. L’été, un grand nombre de campeurs y débarquent. Ceci étant, en l’absence de toilettes et de douches, l’expérience n’est pas pour tout le monde. Et si la zone est pour l’instant protégée, j’ai bien peur que d’ici quelques années, ces deux plages ne soient rayées du patrimoine naturel de la Roumanie.
Une autre inquiétude est liée au projet d’extraction du gaz de le mer Noire par OMV-Petrom et Romgaz, dont les installations devraient être érigées à proximité de la station de Costinești, selon l’organisation de défense environnementale Greenpeace. Qu’en pensez-vous ?
Cette inquiétude n’est pas récente, elle date d’au moins quinze ans, depuis le lancement du projet par le groupe américain ExxonMobil – qui s’en est depuis retiré, ndlr. Le gaz de la mer Noire du périmètre d’exploitation Neptun Deep sera acheminé via un gazoduc jusqu’à des installations établies sur la côte. Greenpeace estime qu’une partie de la zone autour de Costinești en sera affectée. C’est sans doute vrai, mais que faire ? Transporter le gaz à bord de pétroliers ? À mon sens, cette inquiétude est exagérée, et puis la zone n’est pas une réserve naturelle. Il faudra peut-être démolir quelques constructions souvent réalisées illégalement, le lieu sera reconfiguré. Mais nous avons besoin du gaz de la mer Noire, et les autorités devront œuvrer avec les compagnies gazières pour qu’elles respectent les normes en vigueur.
Propos recueillis par Mihaela Rodina.