Ciprian Gălușcă coordonne depuis cinq ans la campagne de l’ONG Greenpeace Roumanie en faveur de la conservation des forêts et de la biodiversité. Voici son constat…
La Roumanie peine à stopper la déforestation illégale, y a-t-il eu des progrès ces derniers temps ?
La situation sur le terrain n’a pas beaucoup changé, mais l’adoption en 2020 d’une loi qui durcit les sanctions pour les coupes et les transports illégaux de bois ainsi que la mise en place d’une version plus efficace du Système de surveillance du bois, Sumal 2.0*, vont sans doute entraîner une amélioration. Nous enregistrons déjà une hausse du nombre d’infractions dépistées, même si nous n’avons pas encore les chiffres définitifs pour l’année dernière. Selon notre dernier rapport, en 2019 les autorités découvraient 1% à peine des coupes illégales, portant sur 200 000 mètres cubes, alors que ce fléau est estimé à 20 millions de mètres cubes par an. Les chiffres officiels sont très sous-évalués. Autre exemple, seuls trois à quatre millions de mètres cubes par an seraient utilisés comme bois de chauffage dans un pays où plus de trois millions de foyers se chauffent au bois, chacun brûlant au moins trois mètres cubes par an.
* Application mobile de traçabilité du bois. Elle oblige notamment les professionnels du secteur à enregistrer tout chargement et transport de bois, ndlr.
Le nouveau système de surveillance Sumal 2.0 résoudra-t-il à lui seul le problème des coupes illégales ?
Ce système est opérationnel depuis trois semaines à peine, il est donc trop tôt pour évaluer son efficacité. Mais on sait déjà qu’il apporte plus de transparence, par exemple en rendant publics les plans de gestion des forêts. Ensuite, il empêche les transports multiples. Jusqu’à présent, il arrivait souvent qu’un camion fasse plusieurs transports de bois sur la base d’une seule autorisation. Les chauffeurs sont désormais tenus de faire une photo du camion chargé et de la publier en ligne, y compris sur l’autre système de surveillance accessible au grand public, à savoir l’application « Inspectorul Pădurii » (l’inspecteur des bois, ndlr). N’importe qui pourra donc vérifier si la cargaison d’un camion correspond bien à celle postée par le chauffeur. Grâce au Sumal 2.0, les autorités pourront en outre s’assurer que la quantité de bois déclarée par un transporteur n’a pas été sous-évaluée. Et les bases de données des différentes autorités seront connectées ; pour la première fois, il y aura une véritable traçabilité du bois. Seul bémol, le système de surveillance satellite des forêts, qui aurait permis de repérer rapidement des cas de déforestation illégale, n’a pas encore été mis en place malgré les promesses du ministère de l’Environnement.
Pourquoi ce dossier bloque-t-il ?
Le principal obstacle a sans doute été l’absence de volonté politique pour combattre ce fléau, qui n’a semble-t-il pas été une priorité pour les autorités. On le voit notamment au niveau limité de ressources financières et humaines que le ministère de l’Environnement y consacre. Cela fait dix ans que les ONG font pression pour stopper le déboisement illégal, la lenteur des progrès nous a beaucoup frustrés. Ceci étant, aujourd’hui nous sommes plutôt optimistes, les choses avancent enfin dans la bonne direction.
Propos recueillis par Mihaela Rodina.