Le Musée national d’art contemporain de Bucarest (MNAC) reçoit jusqu’en avril 2014 une exposition de Mircea Cantor. Originaire d’Oradea (ouest), Mircea Cantor est, à 35 ans, l’artiste roumain sans doute le plus en vue. Et c’est la première fois qu’il présente ses œuvres dans son pays.
Un autostoppeur, les yeux fermés, tient une pancarte sur laquelle il n’y a rien d’écrit. En arrière plan, on aperçoit des barres d’immeubles grises d’une ville quelconque de Roumanie. Cette photo, faite en 2000, est intitulée All the directions (Toutes directions). « Il a su capter l’état d’esprit de toute une génération dans cette œuvre, décrypte Mihai Oroveanu, le directeur du MNAC. Et elle est devenue une icône. »
Mircea Cantor est notamment très apprécié à l’étranger. A 35 ans, il affiche d’ailleurs un parcours impressionnant. En 2011, il a remporté la plus prestigieuse distinction en art contemporain, le prix Marcel Duchamp ; ses œuvres ont été exposées au Centre Pompidou à Paris, à Rome ou encore à New York. Mais c’est la première fois qu’il présente une exposition personnelle en Roumanie. « Mircea nous a toujours dit qu’il lui manquait un défi à relever ici », explique la curatrice de l’exposition, Raluca Velisar.
Sur le moment
Tout s’est enchaîné le jour où Mircea Cantor est venu apporter au MNAC son œuvre Threshold resigned (Seuil résigné), une maison en bois typique du Maramureş entourée d’une corde sculptée, et coiffée d’une charpente non terminée. Il était prévu que Threshold resigned soit prêté à la collection permanente du MNAC. Quand il l’a installée au rez-de-chaussée du musée en janvier dernier, Mircea Cantor a vu, ou plutôt revu, les immenses salles héritées du palais de l’ancien dictateur. Pour l’artiste, qui a beaucoup travaillé sur l’architecture et le pouvoir, le projet d’une exposition dans ce lieu est alors devenu naturel. Cette petite maison en bois traditionnelle, située dans la salle des marbres, offre une première idée de la vision de l’artiste sur la notion de pouvoir.
En haut des escaliers qui mènent à la mezzanine, le petit film Wind orchestra (l’orchestre du vent) est un deuxième symbole de la fragilité de la domination telle que la perçoit Mircea Cantor. On y voit un enfant qui souffle sur trois couteaux placés debout devant lui, et qui tombent sans résistance. « Pour moi, c’est une image de la relativité du pouvoir avec la fragilité, et l’innocence de l’enfant, expliquait-il lors de son exposition au Centre Pompidou à Paris l’an dernier. On pense que tout est prévisible mais pour moi c’est le contraire, le vent peut faire taire un orchestre. »
L’enthousiasme de Mircea Cantor pour cet espace du MNAC ira en grandissant ; en quelques mois, une exposition d’une trentaine d’œuvres sera mise en place. La direction du musée, qui avoue avoir attendu l’événement depuis longtemps, a décidé de faire durer le plaisir sur une année entière. Pour le rendre dynamique, une douzaine d’artistes choisis par Mircea Cantor exposeront à tour de rôle chaque mois dans une pièce dédiée à cet effet. « Au mois de septembre, les projections vidéos vont être remplacées, certaines œuvres seront changées », précise Raluca Velisar.
Le jour du vernissage, le 10 avril dernier, une longue queue s’est formée à l’entrée du MNAC. Le musée était archicomble. Du jamais vu. Mircea Cantor a cependant préféré ne pas parler à la presse, et n’a pas voulu non plus être photographié. Petits caprices de star ? Quoi qu’il en soit, Mircea Cantor en est définitivement une.
Jonas Mercier (mai 2013).