Entretien réalisé le lundi 11 juin dans l’après-midi, par téléphone et en roumain.
L’augmentation des réserves de change de la Banque nationale de Roumanie (BNR) est un signal de stabilité pour le leu. Explications avec Adrian Codîrlașu, vice-président de l’association CFA Society Romania…
La Roumanie enregistre actuellement un nouveau record en termes de réserves de change, 65,072 milliards d’euros à la fin du mois de mai, soit une augmentation de 4,1 % par rapport au mois précédent. Quels en sont les effets ?
Les effets sont strictement limités au marché des changes. La stabilité du leu par rapport aux monnaies dites fortes est fondamentalement garantie. Le régime du taux de change en Roumanie est « managed float », dans le sens que la Banque centrale peut intervenir à tout moment pour réduire la volatilité de la monnaie nationale. Comme la réserve est actuellement très élevée et a atteint, comme vous l’avez mentionné, un niveau record, la Banque centrale dispose de l’argent nécessaire pour intervenir et protéger le leu en cas de fluctuations importantes. En outre, cette réserve de change favorable produit de l’argent puisque la Banque centrale investit et en perçoit un rendement. D’une certaine manière, elle génère de l’argent pour le pays, ce qui n’est pas négligeable.
Que manque-t-il à la Roumanie pour passer à l’euro ?
En 2016-2017, nous remplissions les conditions et il était alors possible de passer à l’euro. Or, ce n’est plus le cas aujourd’hui. La Roumanie souffre notamment d’un niveau d’inflation supérieur de deux points à celui du pays positionné devant elle dans le classement des taux d’inflation. Mais je dirais que le nœud du problème concerne surtout le déficit budgétaire*. L’inflation diminuera, mais il faudra de nombreuses années pour ramener le déficit dans les limites requises pour l’adhésion à la zone euro, qui serait indéniablement une bonne chose. Alors que notre pays emprunte des sommes record, la situation actuelle, positive en matière de réserves de change, renforce notre crédibilité, c’est un bon point. Ces réserves de la BNR représentent désormais environ 20 % du PIB.
La Roumanie pourrait-elle également renforcer son marché obligataire ?
Avec ces réserves, il est théoriquement plus facile d’emprunter en euros ou dans d’autres devises. Mais un autre problème se pose, que peut exiger la Roumanie sur les marchés étrangers avec des déficits à ce point élevés ? Elle est surtout contrainte de demander beaucoup d’argent et cela a un coût. Seule la Hongrie emprunte plus cher que nous au sein de l’Union européenne. Ceci étant, si l’on regarde les moteurs de la croissance économique, la consommation, qui est très solide, ou encore l’investissement public notamment dans les infrastructures, il y a de quoi être optimiste. Beaucoup d’argent européen est aussi injecté dans le pays. Cela devrait favoriser le développement régional et une croissance potentielle du PIB. Reste à surveiller les nouvelles augmentations d’impôts prévues pour l’année prochaine, notamment dans l’hypothèse où ces déficits budgétaires ne seraient toujours pas viables pour notre pays.
Propos recueillis par Carmen Constantin.
* Pour retrouver les principaux indicateurs économiques de la Roumanie, voir cette note très bien faite de la Direction générale du Trésor (ministère français de l’Économie et des Finances) datée du 10 mai dernier : https://www.tresor.economie.gouv.fr/Pays/RO/indicateurs-et-conjoncture