Quelle évolution économique en Roumanie ? Éléments de réponse avec Adrian Codîrlaşu, analyste financier, vice-président de la CFA Society Romania (CFA, Chartered Financial Analyst), professeur associé à l’Académie d’études économiques de Bucarest…
Comment jugez-vous la capacité de rebond de l’économie roumaine lorsque la situation sanitaire sera, espérons-le, revenue à la normale ?
Lors de cette crise, la résilience de notre économie a été bonne. L’industrie a retrouvé son niveau du mois de novembre 2019, tout comme la consommation et le montant des salaires. Seuls les services ont été particulièrement touchés par la crise. Pour ce secteur, je crois que le retour à la normale ne sera possible que lorsque la pandémie sera derrière nous. Et pour cela, il faut administrer le vaccin aussi rapidement et aussi largement que possible. Ceci dit, la Roumanie est, par exemple, beaucoup moins dépendante du tourisme que d’autres pays européens. De mon point de vue, le principal problème dans la période actuelle est le déficit budgétaire qui s’est situé entre 9 et 10% pour l’année 2020, un niveau équivalant à celui des autres pays de l’Union européenne. Mais s’il reste à hauteur de 7 ou 8% en 2021, il sera alors bien au-dessus de la moyenne européenne. Il est donc essentiel que le gouvernement mette en place un programme efficace afin de réduire notre déficit budgétaire, sans quoi il ne repassera pas sous le seuil des 3% avant trois ou quatre ans.
La promesse de dépenser davantage pour la santé et de se rapprocher de la moyenne européenne dans ce domaine se concrétisera-t-elle ?
Le système roumain de santé est effectivement très en-dessous des standards de l’Union européenne, c’est un point qui peut être largement amélioré. Le gouvernement doit investir massivement dans ce secteur, comme dans celui de l’éducation. Il y a notamment de l’argent alloué par la Commission européenne qui devrait être davantage utilisé pour ces deux secteurs. Bien sûr, pour avoir accès à ces fonds, il faut présenter des projets crédibles, ce qui n’a pas toujours été le cas dans le passé. Mais je crois que l’arrivée au pouvoir de partis pro-européens comme le PNL ou l’USR-PLUS va dans le bon sens.
Comment fluctuera la valeur du Leu dans les mois à venir ?
En observant les cours de ces dernières années, on note une légère dévaluation, de l’ordre de 2 à 3%. Je pense que cette dépréciation va se poursuivre à cause de l’inflation, qui est plus importante en Roumanie que dans la zone Euro. Cependant, je ne vois rien d’anormal par rapport à ce qu’il s’est passé lors des années précédentes. Selon moi, la crise sanitaire n’aura pas d’incidence sur ce point, elle a été très bien gérée au niveau financier. Pour la première fois, la Banque nationale a fait appel à l’assouplissement quantitatif (*), ce qui a beaucoup aidé les marchés face à l’incertitude de la situation. Le gouvernement a également offert, via le système bancaire, beaucoup de garanties aux entreprises, ce qui a permis d’éviter des blocages au niveau de l’économie réelle, et donc des licenciements. Ces programmes ont été extrêmement utiles à la stabilisation de l’économie et a rassuré les marchés financiers.
Propos recueillis par Sylvain Moreau.
(*) L’assouplissement quantitatif correspond à un rachat massif de la dette publique ou d’actifs financiers afin d’injecter de l’argent dans l’économie et de stimuler la croissance, ndlr.